– Un de mes bons amis, acheva d’Artagnan.
– Je servirai Monsieur, dit Percerin, mais, plus tard.
– Plus tard ? Et quand cela ?
– Mais, quand j’aurai le temps.
– Vous avez déjà dit cela à mon valet, interrompit Porthos mécontent.
– C’est possible, dit Percerin, je suis presque toujours pressé.
– Mon ami, dit sentencieusement Porthos, on a toujours le temps qu’on veut.
Percerin devint cramoisi, ce qui, chez les vieillards blanchis par l’âge, est un fâcheux diagnostic.
– 171 –
– Monsieur, dit-il, est, ma foi ! bien libre de se servir ailleurs.
– Allons, allons, Percerin, glissa d’Artagnan, vous n’êtes pas aimable aujourd’hui. Eh bien ! je vais vous dire un mot qui va vous faire tomber à nos genoux. Monsieur est non seulement un ami à moi, mais encore un ami à M. Fouquet.
– Ah ! ah ! fit le tailleur, c’est autre chose.
Puis, se retournant vers Porthos :
– Monsieur le baron est à M. le surintendant ? demanda-t-il.
– Je suis à moi, éclata Porthos, juste au moment où la tapisserie se soulevait pour donner passage à un nouvel interlocuteur.
Molière observait. D’Artagnan riait. Porthos maugréait.
– Mon cher Percerin, dit d’Artagnan, vous ferez un habit à M. le baron, c’est moi qui vous le demande.
– Pour vous, je ne dis pas, monsieur le capitaine.
– Mais ce n’est pas le tout : vous lui ferez cet habit tout de suite.
– Impossible avant huit jours.
– Alors, c’est comme si vous refusiez de le lui faire, parce que l’habit est destiné à paraître aux fêtes de Vaux.
– Je répète que c’est impossible, reprit l’obstiné vieillard.
– 172 –
– Non pas, cher monsieur Percerin, surtout si c’est moi qui vous en prie, dit une douce voix à la porte, voix métallique qui fit dresser l’oreille à d’Artagnan.
C’était la voix d’Aramis.
– Monsieur d’Herblay ! s’écria le tailleur.
– Aramis ! murmura d’Artagnan.
– Ah ! notre évêque ! fit Porthos.
– Bonjour, d’Artagnan ! bonjour, Porthos ! bonjour, chers amis ! dit Aramis. Allons, allons, cher monsieur Percerin, faites l’habit de Monsieur, et je vous réponds qu’en le faisant vous ferez une chose agréable à M. Fouquet.
Et il accompagna ces paroles d’un signe qui voulait dire :
« Consentez et congédiez. » Il paraît qu’Aramis avait sur maître Percerin une influence supérieure à celle de d’Artagnan lui-même, car le tailleur s’inclina en signe d’assentiment, et, se retournant vers Porthos :
– Allez vous faire prendre mesure de l’autre côté, dit-il rudement.
Porthos rougit d’une façon formidable.
D’Artagnan vit venir l’orage, et, interpellant Molière :