Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 93


– Ah ! vous êtes de mon avis ?


– J’en suis si bien, que je vous avais prié de le faire, ce prologue.


– Vous m’avez prié de le faire, moi ?


– Oui, vous ; et même, sur votre refus, je vous ai prié de le demander à Pélisson, qui le fait en ce moment.


– Ah ! c’est donc cela que fait Pélisson ? Ma foi ! mon cher Molière, vous pourriez bien avoir raison quelquefois.


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– Quand cela ?


– Quand vous dites que je suis distrait. C’est un vilain défaut ; je m’en corrigerai, et je vais vous faire votre prologue.


– Mais puisque c’est Pélisson qui le fait !


– C’est juste ! Ah ! double brute que je suis ! Loret a eu bien raison de dire que j’étais un faquin !


– Ce n’est pas Loret qui l’a dit, mon ami.


– Eh bien, celui qui l’a dit, peu m’importe lequel ! Ainsi, votre divertissement s’appelle les Fâcheux. Eh bien, est-ce que vous ne feriez pas rimer heureux avec fâcheux ?


– À la rigueur, oui.


– Et même avec capricieux ?


– Oh ! non, cette fois, non !


– Ce serait hasardé, n’est-ce pas ? Mais, enfin, pourquoi serait-ce hasardé ?


– Parce que la désinence est trop différente.


– Je supposais, moi, dit La Fontaine en quittant Molière pour aller trouver Loret, je supposais…


– Que supposiez-vous ? dit Loret au milieu d’une phrase.

Voyons, dites vite.


– C’est vous qui faites le prologue des Fâcheux, n’est-ce pas ?


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– Eh ! non, mordieu ! c’est Pélisson !


– Ah ! c’est Pélisson ! s’écria La Fontaine, qui alla trouver Pélisson. Je supposais, continua-t-il, que la nymphe de Vaux…


– Ah ! jolie ! s’écria Loret. La nymphe de Vaux ! Merci, La Fontaine ; vous venez de me donner les deux derniers vers de ma gazette.


Et l’on vit la nymphe de Vaux

Donner le prix à leurs travaux.


– À la bonne heure ! voilà qui est rimé, dit Pélisson : si vous rimiez comme cela, La Fontaine, à la bonne heure !


– Mais il paraît que je rime comme cela, puisque Loret dit que c’est moi qui lui ai donné les deux vers qu’il vient de dire.


– Eh bien, si vous rimez comme cela, voyons dites, de quelle façon commenceriez-vous mon prologue ?


– Je dirais, par exemple : Ô nymphe… qui… Après qui, je mettrais un verbe à la deuxième personne du pluriel du présent de l’indicatif, et je continuerais ainsi : cette grotte profonde.


– Mais le verbe, le verbe ? demanda Pélisson.


Pour venir admirer le plus grand roi du monde, continua La Fontaine.


– Mais le verbe, le verbe ? insista obstinément Pélisson. Cette seconde personne du pluriel du présent de l’indicatif ?


– Eh bien : quittez