Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 94

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Ô nymphe qui quittez cette grotte profonde

Pour venir admirer le plus grand roi du monde.


– Vous mettriez : qui quittez, vous ?


– Pourquoi pas ?


Qui… qui !


– Ah ! mon cher, fit La Fontaine, vous êtes horriblement pédant !


– Sans compter, dit Molière, que, dans le second vers, veniradmirer est faible, mon cher La Fontaine.


– Alors, vous voyez bien que je suis un pleutre, un faquin, comme vous disiez.


– Je n’ai jamais dit cela.


– Comme disait Loret, alors.


– Ce n’est pas Loret non plus ; c’est Pélisson.


– Eh bien, Pélisson avait cent fois raison. Mais ce qui me fâche surtout, mon cher Molière, c’est que je crois que nous n’aurons pas nos habits d’épicuriens.


– Vous comptiez sur le vôtre pour la fête ?


– Oui, pour la fête, et puis pour après la fête. Ma femme de ménage m’a prévenu que le mien était un peu mûr.


– Diable ! votre femme de ménage a raison : il est plus que mûr !

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– Ah ! voyez-vous, reprit La Fontaine, c’est que je l’ai oublié à terre dans mon cabinet, et ma chatte…


– Eh bien, votre chatte ?


– Ma chatte a fait ses chats dessus, ce qui l’a un peu fané.


Molière éclata de rire. Pélisson et Loret suivirent son exemple.


En ce moment, l’évêque de Vannes parut, tenant sous son bras un rouleau de plans et de parchemins.


Comme si l’ange de la mort eût glacé toutes les imaginations folles et rieuses, comme si cette figure pâle eût effarouché les grâces auxquelles sacrifiait Xénocrate, le silence s’établit aussitôt dans l’atelier, et chacun reprit son sang-froid et sa plume.


Aramis distribua des billets d’invitation aux assistants, et leur adressa des remerciements de la part de M.

Fouquet. Le

surintendant, disait-il retenu dans son cabinet par le travail, ne pouvait les venir voir, mais les priait de lui envoyer un peu de leur travail du jour pour lui faire oublier la fatigue de son travail de la nuit.


À ces mots, on vit tous les fronts s’abaisser. La Fontaine lui-même se mit à une table et fit courir sur le vélin une plume rapide ; Pélisson remit au net son prologue ; Molière donna cinquante vers nouvellement crayonnés que lui avait inspirés sa visite chez Percerin ; Loret, son article sur les fêtes merveilleuses qu’il prophétisait, et Aramis chargé de butin comme le roi des abeilles, ce gros bourdon noir aux ornements de pourpre et d’or rentra dans son appartement, silencieux et affairé. Mais, avant de rentrer :


– Songez, dit-il, chers messieurs, que nous partons tous demain au soir.

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– En ce cas, il faut que je prévienne chez moi, dit Molière.