Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 95


– Ah ! oui, pauvre Molière ! fit Loret en souriant il aime chez lui.


Il aime, oui, répliqua Molière avec son doux et triste sourire

; il aime, ce qui ne veut pas dire on l’aime.


– Moi, dit La Fontaine, on m’aime à Château-Thierry, j’en suis bien sûr.


En ce moment, Aramis rentra après une disparition d’un instant.


– Quelqu’un vient-il avec moi ? demanda-t-il. Je passe par Paris, après avoir entretenu M. Fouquet un quart d’heure. J’offre mon carrosse.


– Bon, à moi ! dit Molière. J’accepte ; je suis pressé.


– Moi, je dînerai ici, dit Loret. M. de Gourville m’a promis des écrevisses.


Il m’a promis des écrevisses…


Cherche la rime, La Fontaine. »


Aramis sortit en riant comme il savait rire. Molière le suivit. Ils étaient au bas de l’escalier lorsque La Fontaine entrebâilla la porte et cria :


Moyennant que tu l’écrivisses,

Il t’a promis des écrevisses.


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Les éclats de rire des épicuriens redoublèrent et parvinrent jusqu’aux oreilles de Fouquet, au moment où Aramis ouvrait la porte de son cabinet.


Quant à Molière, il s’était chargé de commander les chevaux, tandis qu’Aramis allait échanger avec le surintendant les quelques mots qu’il avait à lui dire.


– Oh ! comme ils rient là-haut ! dit Fouquet avec un soupir.


– Vous ne riez pas, vous, Monseigneur ?


– Je ne ris plus, monsieur d’Herblay.


– La fête approche.


– L’argent s’éloigne.


– Ne vous ai-je pas dit que c’était mon affaire ?


– Vous m’avez promis des millions.


– Vous les aurez le lendemain de l’entrée du roi à Vaux.


Fouquet regarda profondément Aramis, et passa sa main glacée sur son front humide. Aramis comprit que le surintendant doutait de lui, ou sentait son impuissance à avoir de l’argent. Comment Fouquet pouvait-il supposer qu’un pauvre évêque, ex-abbé, ex-mousquetaire, en trouverait ?


– Pourquoi douter ? dit Aramis. :


Fouquet sourit et secoua la tête.


– Homme de peu de foi ! ajouta l’évêque.

– 207 –


– Mon cher monsieur d’Herblay, répondit Fouquet, si je tombe…


– Eh bien, si vous tombez…


– Je tomberai du moins de si haut, que je me briserai en tombant.


Puis, secouant la tête comme pour échapper à lui-même :


– D’où venez-vous, dit-il, cher ami ?


– De Paris.


– De Paris ? Ah !


– Oui, de chez Percerin.


– Et qu’avez-vous été faire vous-même chez Percerin ; car je ne suppose pas que vous attachiez une si grande importance aux habits de nos poètes ?


– Non ; j’ai été commander une surprise.


– Une surprise ?


– Oui, que vous ferez au roi.


– Coûtera-t-elle cher ?


– Oh ! cent pistoles, que vous donnerez à Le Brun.