Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 101

– Louise ici ! Louise demoiselle d'honneur de Madame ! murmurait Raoul.

Et ses yeux, qui ne suffisaient pas à convaincre sa raison, erraient de Louise à Montalais.

Au reste, cette dernière s'était déjà défaite de sa timidité d'emprunt, timidité qui ne devait lui servir qu'au moment de la présentation et pour les révérences.

Mlle de Montalais, de son petit coin à elle, regardait avec assez d'assurance tous les assistants, et, ayant retrouvé Raoul, elle s'amu-

– 214 –


sait de l'étonnement profond où sa présence et celle de son amie avaient jeté le pauvre amoureux.

Cet œil mutin, malicieux, railleur, que Raoul voulait éviter, et qu'il revenait interroger sans cesse, mettait Raoul au supplice.

Quant à Louise, soit timidité naturelle, soit toute autre raison dont Raoul ne pouvait se rendre compte, elle tenait constamment les yeux baissés, et, intimidée ? éblouie, la respiration brève, elle se retirait le plus qu'elle pouvait à l'écart, impassible même aux coups de coude de Montalais.

Tout cela était pour Raoul une véritable énigme dont le pauvre vicomte eût donné bien des choses pour savoir le mot. Mais nul n'était là pour le lui donner, pas même Malicorne, qui, un peu inquiet de se trouver avec tant de gentilshommes, et assez effaré des regards railleurs de Montalais, avait décrit un cercle, et peu à peu s'était allé placer à quelques pas de M. le prince, derrière le groupe des filles d'honneur, presque à la portée de la voix de Mlle Aure, planète autour de laquelle, humble satellite, il semblait graviter forcément. En revenant à lui, Raoul crut reconnaître à sa gauche des voix connues.

C'était, en effet, de Wardes, de Guiche et le chevalier de Lorraine qui causaient ensemble.

Il est vrai qu'ils causaient si bas, qu'à peine si l'on entendait le souffle de leurs paroles dans la vaste salle.

Parler ainsi de sa place, du haut de sa taille, sans se pencher, sans regarder son interlocuteur, c'était un talent dont les nouveaux venus ne pouvaient atteindre du premier coup la sublimité. Aussi fallait-il une longue étude à ces causeries, qui, sans regards, sans ondulation de tête, semblaient la conversation d'un groupe de statues.

En effet, aux grands cercles du roi et des reines, tandis que Leurs Majestés parlaient et que tous paraissaient les écouter dans

– 215 –


un religieux silence, il se tenait bon nombre de ces silencieux colloques dans lesquels l'adulation n'était point la note dominante.

Mais Raoul était un de ces habiles dans cette étude toute d'étiquette, et, au mouvement des lèvres, il eût pu souvent deviner le sens des paroles.