Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 102

– Qu'est-ce que cette Montalais ? demandait de Wardes.

Qu'est-ce que cette La Vallière ? Qu'est-ce que cette province qui nous arrive ?

– La Montalais, dit le chevalier de Lorraine, je la connais : c'est une bonne fille qui amusera la cour. La Vallière, c'est une charmante boiteuse.

– Peuh ! dit de Wardes.

– N'en faites pas fi, de Wardes ; il y a sur les boiteuses des axiomes latins très ingénieux et surtout fort caractéristiques.

– Messieurs, messieurs, dit de Guiche en regardant Raoul avec inquiétude, un peu de mesure, je vous prie.

Mais l'inquiétude du comte, en apparence du moins, était inop-portune.

Raoul avait gardé la contenance la plus ferme et la plus indiffé-

rente, quoiqu'il n'eût pas perdu un mot de ce qui venait de se dire. Il semblait tenir registre des insolences et des libertés des deux provocateurs pour régler avec eux son compte à l'occasion.

De Wardes devina sans doute cette pensée et continua :

– Quels sont les amants de ces demoiselles ?

– De la Montalais ? fit le chevalier.

– Oui, de la Montalais d'abord.

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– Eh bien ! vous ? moi, de Guiche, qui voudra, pardieu !

– Et de l'autre ?

– De Mlle de La Vallière ?

– Oui.

– Prenez garde, messieurs, s'écria de Guiche pour couper court à la réponse du chevalier ; prenez garde, Madame nous écoute.

Raoul enfonçait sa main jusqu'au poignet dans son justaucorps et ravageait sa poitrine et ses dentelles.

Mais justement cet acharnement qu'il voyait se dresser contre de pauvres femmes lui fit prendre une résolution sérieuse.

« Cette pauvre Louise, se dit-il à lui-même, n'est venue ici que dans un but honorable et sous une honorable protection ; mais il faut que je connaisse ce but ; il faut que je sache qui la protège. »

Et, imitant la manœuvre de Malicorne, il se dirigea vers le groupe des filles d'honneur.

Bientôt la présentation fut terminée. Le roi, qui n'avait cessé de regarder et d'admirer Madame, sortit alors de la salle de réception avec les deux reines.

Le chevalier de Lorraine reprit sa place à côté de Monsieur, et, tout en l'accompagnant, il lui glissa dans l'oreille quelques gouttes de ce poison qu'il avait amassé depuis une heure, en regardant de nouveaux visages et en soupçonnant quelques cœurs d'être heureux. Le roi, en sortant, avait entraîné derrière lui une partie des assistants ; mais ceux qui, parmi les courtisans, faisaient profession d'indépendance ou de galanterie, commencèrent à s'approcher des dames. M. le prince complimenta Mlle de Tonnay-Charente. Buckingham fit la cour à Mme de Chalais et à Mme de La Fayette, que