Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 37

À mesure qu'elle lisait, son visage s'éclairait.

– Malicorne ! s'écria-t-elle après avoir lu, en vérité vous êtes un bon garçon.

– Pourquoi cela, mademoiselle ?

– Parce que vous auriez pu vous faire payer cette commission et que vous ne l'avez pas fait.

Et elle éclata de rire, croyant décontenancer le clerc. Mais Malicorne soutint bravement l'attaque.

– Je ne vous comprends pas, dit-il.

Ce fut Montalais qui fut décontenancée à son tour.

– Je vous ai déclaré mes sentiments, continua Malicorne ; vous m'avez dit trois fois en riant que vous ne m'aimiez pas ; vous m'avez embrassé une fois sans rire, c'est tout ce qu'il me faut.

– Tout ? dit la fière et coquette Montalais d'un ton où perçait l'orgueil blessé.

– Absolument tout, mademoiselle, répliqua Malicorne.

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– Ah !

Ce monosyllabe indiquait autant de colère que le jeune homme eût pu attendre de reconnaissance. Il secoua tranquillement la tête.

– Écoutez, Montalais, dit-il sans s'inquiéter si cette familiarité plaisait ou non à sa maîtresse, ne discutons point là-dessus.

– Pourquoi cela ?

– Parce que, depuis un an que je vous connais, vous m'eussiez mis à la porte vingt fois si je ne vous plaisais pas.

– En vérité ! À quel propos vous eussé-je mis à la porte ?

– Parce que j'ai été assez impertinent pour cela.

– Oh ! cela, c'est vrai.

– Vous voyez bien que vous êtes forcée de l'avouer, fit Malicorne.

– Monsieur Malicorne !

– Ne nous fâchons pas ; donc, si vous m'avez conservé, ce n’est pas sans cause.

– Ce n'est pas au moins parce que je vous aime ! s'écria Montalais.

– D'accord. Je vous dirai même qu'en ce moment je suis certain que vous m'exécrez.

– Oh ! vous n'avez jamais dit si vrai.

– Bien ! Moi, je vous déteste.

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– Ah ! je prends acte.

– Prenez. Vous me trouvez brutal et sot ; je vous trouve, moi, la voix dure et le visage décomposé par la colère. En ce moment, vous vous jetteriez par cette fenêtre plutôt que de me laisser baiser le bout de votre doigt ; moi, je me précipiterais du haut du clocheton plutôt que de toucher le bas de votre robe. Mais dans cinq minutes vous m'aimerez, et moi, je vous adorerai. Oh ! c'est comme cela.

– J'en doute.

– Et moi, j'en jure.

– Fat !

– Et puis ce n'est point la véritable raison ; vous avez besoin de moi, Aure, et moi, j'ai besoin de vous. Quand il vous plaît d'être gaie, je vous fais rire ; quand il me sied d'être amoureux, je vous regarde. Je vous ai donné une commission de dame d'honneur que vous désiriez ; vous m'allez donner tout à l'heure quelque chose que je désirerai.

– Moi ?

– Vous ! mais en ce moment, ma chère Aure, je vous déclare que je ne désire absolument rien ; ainsi, soyez tranquille.