Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 10


– Ainsi, vous ne songez plus à chercher une querelle à M. de Saint Aignan ?


– Non, monsieur. Un défi a été fait ; si M. de Saint-Aignan l’accepte, je le soutiendrai ; s’il ne le relève pas, je le laisserai à terre.


– Et de La Vallière ?


– Monsieur le comte n’a pas sérieusement cru que je songerais à me venger d’une femme, répondit Raoul avec un sourire si triste,

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qu’il attira une larme aux bords des paupières de cet homme qui s’était tant de fois penché sur ses douleurs et sur les douleurs des autres.


Il tendit sa main à Raoul, Raoul la saisit vivement.


– Ainsi, monsieur le comte, vous êtes bien assuré que le mal est sans remède ? demanda le jeune homme.


Athos secoua la tête à son tour.


– Pauvre enfant ! murmura-t-il.


– Vous pensez que j’espère encore, dit Raoul, et vous me plaignez. Oh ! c’est qu’il m’en coûte horriblement, voyez-vous, pour mépriser, comme je le dois, celle que j’ai tant aimée. Que n’ai-je quelque tort envers elle, je serais heureux et je lui pardonnerais.


Athos regarda tristement son fils. Ces quelques mots que venait de prononcer Raoul semblaient être sortis de son propre cœur. En ce moment, le laquais annonça M. d’Artagnan. Ce nom retentit, d’une façon bien différente, aux oreilles d’Athos et de Raoul.


Le mousquetaire annoncé fit son entrée avec un vague sourire sur les lèvres. Raoul s’arrêta ; Athos marcha vers son ami avec une expression de visage qui n’échappa point à Bragelonne. D’Artagnan répondit à Athos par un simple clignement de l’œil ; puis, s’avançant vers Raoul et lui prenant la main :


– Eh bien ! dit-il s’adressant à la fois au père et au fils, nous consolons l’enfant, à ce qu’il paraît ?


– Et vous, toujours bon, dit Athos, vous venez m’aider à cette tâche difficile.


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Et, ce disant, Athos serra entre ses deux mains la main de d’Artagnan. Raoul crut remarquer que cette pression avait un sens particulier à part celui des paroles.


– Oui, répondit le mousquetaire en se grattant la moustache de la main qu’Athos lui laissait libre, oui, je viens aussi…


– Soyez le bienvenu, monsieur le chevalier, non pour la consolation que vous apportez, mais pour vous-même. Je suis consolé.


Et il essaya d’un sourire plus triste qu’aucune des larmes que d’Artagnan eût jamais vu répandre.


– À la bonne heure ! fit d’Artagnan.


– Seulement, continua Raoul, vous êtes arrivé comme M. le comte allait me donner les détails de son entrevue avec le roi. Vous permettez, n’est-ce pas, que M. le comte continue ?


Et les yeux du jeune homme semblaient vouloir lire jusqu’au fond du cœur du mousquetaire.