Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 9


– Raoul, je ne crois rien de ce que l’on dit ; je ne crois rien de ce que vous craignez, non pas que des personnes dignes de foi ne m’aient pas déjà entretenu de cette aventure, mais parce que, dans mon âme et dans ma conscience, je crois impossible que le roi ait outragé un gentilhomme. Je garantis donc le roi, et vais vous rapporter la preuve de ce que je dis.


Raoul, flottant comme un homme ivre entre ce qu’il avait vu de ses propres yeux et cette imperturbable foi qu’il avait dans un homme qui n’avait jamais menti, s’inclina et se contenta de répondre :


– Allez donc, monsieur le comte ; j’attendrai.


Et il s’assit, la tête cachée dans ses deux mains. Athos s’habilla et partit. Chez le roi, il fit ce que nous venons de raconter à nos lecteurs, qui l’ont vu entrer chez Sa Majesté et qui l’ont vu en sortir.


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Quand il rentra chez lui, Raoul, pâle et morne n’avait pas quitté sa position désespérée. Cependant au bruit des portes qui s’ouvraient, au bruit des pas de son père qui s’approchait de lui, le jeune homme releva la tête.


Athos était pâle, découvert, grave ; il remit son manteau et son chapeau au laquais, le congédia du geste et s’assit près de Raoul.


– Eh bien ! monsieur, demanda le jeune homme en hochant tristement la tête de haut en bas, êtes-vous bien convaincu, à présent ?


– Je le suis, Raoul ; le roi aime Mlle de La Vallière.


– Ainsi, il avoue ? s’écria Raoul.


– Absolument, dit Athos.


– Et elle ?


– Je ne l’ai pas vue.


– Non ; mais le roi vous en a parlé. Que dit-il d’elle ?


– Il dit qu’elle l’aime.


– Oh ! vous voyez ! vous voyez, monsieur !


Et le jeune homme fit un geste de désespoir.


– Raoul, reprit le comte, j’ai dit au roi, croyez-le bien, tout ce que vous eussiez pu lui dire vous-même, et je crois le lui avoir dit en termes convenables, mais fermes.


– Et que lui avez-vous dit, monsieur ?

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– J’ai dit, Raoul, que tout était fini entre lui et nous, que vous ne seriez plus rien pour son service ; j’ai dit que, moi-même, je demeurerais à l’écart. Il ne me reste plus qu’à savoir une chose.


– Laquelle, monsieur ?


– Si vous avez pris votre parti.


– Mon parti ? À quel sujet ?


– Touchant l’amour et…


– Achevez, monsieur.


– Et touchant la vengeance ; car j’ai peur que vous ne songiez à vous venger.


– Oh ! monsieur, l’amour… peut-être un jour, plus tard, réussirai-je à l’arracher de mon cœur. J’y compte, avec l’aide de Dieu et le secours de vos sages exhortations. La vengeance, je n’y avais songé que sous l’empire d’une pensée mauvaise, car ce n’était point du vrai coupable que je pouvais me venger ; j’ai donc déjà renoncé à la vengeance.