Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 19


– Dame ! fit d’Artagnan.


– Je vais vous mettre à votre aise, cher ami. Le roi est furieux, n’est-ce pas ?


– Mais je dois vous avouer qu’il n’est pas content.


– Et vous venez ?…


– De sa part, oui.


– Pour m’arrêter, alors ?


– Vous avez mis le doigt sur la chose, cher ami.


– Je m’y attendais. Allons !


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– Oh ! oh ! que diable ! fit d’Artagnan, comme vous êtes pressé, vous !


– Je crains de vous mettre en retard, dit en souriant Athos.


– J’ai le temps. N’êtes-vous pas curieux, d’ailleurs, de savoir comment les choses se sont passées entre moi et le roi ?


– S’il vous plaît de me le raconter, cher ami, j’écouterai cela avec plaisir.


Et il montra à d’Artagnan un grand fauteuil dans lequel celui-ci s’étendit en prenant ses aises.


– J’y tiens, voyez-vous, continua d’Artagnan, attendu que la conversation est assez curieuse.


– J’écoute.


– Eh bien ! d’abord, le roi m’a fait appeler.


– Après mon départ ?


– Vous descendiez les dernières marches de l’escalier, à ce que m’ont dit les mousquetaires. Je suis arrivé. Mon ami, il n’était pas rouge, il était violet. J’ignorais encore ce qui s’était passé.

Seulement, à terre, sur le parquet, je voyais une épée brisée en deux morceaux.


– Capitaine d’Artagnan ! s’écria le roi en m’apercevant.


– Sire, répondis-je.


– Je quitte M. de La Fère, qui est un insolent !


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– Un insolent ? m’écriai-je avec un tel accent, que le roi s’arrêta court.


– Capitaine d’Artagnan, reprit le roi les dents serrées, vous allez m’écouter et m’obéir.


– C’est mon devoir, Sire.


– J’ai voulu épargner à ce gentilhomme, pour lequel je garde quelques bons souvenirs, l’affront de ne pas le faire arrêter chez moi.


– Ah ! ah ! dis-je tranquillement.


– Mais, continua-t-il, vous allez prendre un carrosse…


Je fis un mouvement.


– S’il vous répugne de l’arrêter vous-même, continua le roi, envoyez-moi mon capitaine des gardes.


– Sire, répliquai-je, il n’est pas besoin du capitaine des gardes puisque je suis de service.


– Je ne voudrais pas vous déplaire, dit le roi avec bonté ; car vous m’avez toujours bien servi, monsieur d’Artagnan.


– Vous ne me déplaisez pas, Sire, répondis-je. Je suis de service, voilà tout.


– Mais, dit le roi avec étonnement, il me semble que le comte est votre ami ?


– Il serait mon père, Sire, que je n’en serais pas moins de service.

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Le roi me regarda ; il vit mon visage impassible et parut satisfait.


– Vous arrêterez donc M. le comte de La Fère ? demanda-t-il.


– Sans doute, Sire, si vous m’en donnez l’ordre.


– Eh bien ! l’ordre, je vous le donne.


Je m’inclinai.