Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 20


– Où est le comte, Sire ?


– Vous le chercherez.


– Et je l’arrêterai en quelque lieu qu’il soit, alors ?


– Oui… cependant, tâchez qu’il soit chez lui. S’il retournait dans ses terres, sortez de Paris et prenez-le sur la route.


Je saluai ; et, comme je restais en place :


– Eh bien ? demanda le roi.


– J’attends, Sire ?


– Qu’attendez-vous ?


– L’ordre signé.


Le roi parut contrarié.


En effet, c’était un nouveau coup d’autorité à faire, c’était réparer l’acte arbitraire, si toutefois arbitraire il y a.

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Il prit la plume lentement et de mauvaise humeur puis il écrivit

:


« Ordre à M. le chevalier d’Artagnan, capitaine-lieutenant de mes mousquetaires, d’arrêter M. le comte de La Fère partout où on le trouvera. »


Puis il se tourna de mon côté.


J’attendais sans sourciller. Sans doute il crut voir une bravade dans ma tranquillité, car il signa vivement ; puis, me remettant l’ordre :


– Allez ! s’écria-t-il.


J’obéis, et me voici.


Athos serra la main de son ami.


– Marchons, dit-il.


– Oh ! fit d’Artagnan, vous avez bien quelques petites affaires à arranger avant de quitter comme cela votre logement ?


– Moi ? Pas du tout.


– Comment !…


– Mon Dieu, non. Vous le savez, d’Artagnan, j’ai toujours été simple voyageur sur la terre, prêt à aller au bout du monde à l’ordre de mon roi, prêt à quitter ce monde pour l’autre à l’ordre de mon Dieu. Que faut-il à l’homme prévenu ? Un portemanteau ou un cercueil. Je suis prêt aujourd’hui comme toujours, cher ami.

Emmenez-moi donc.

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– Mais Bragelonne ?…


– Je l’ai élevé dans les principes que je m’étais faits à moi-même, et vous voyez qu’en vous apercevant il a deviné à l’instant même la cause qui vous amenait. Nous l’avons dépisté un moment ; mais, soyez tranquille, il s’attend assez à ma disgrâce pour ne pas s’effrayer outre mesure. Marchons.


– Marchons, dit tranquillement d’Artagnan.


– Mon ami, dit le comte, comme j’ai brisé mon épée chez le roi, et que j’en ai jeté les morceaux à ses pieds, je crois que cela me dispense de vous la remettre.


– Vous avez raison ; et, d’ailleurs, que diable voulez-vous que je fasse de votre épée ?


– Marche-t-on devant vous ou derrière vous ?


– On marche à mon bras, répliqua d’Artagnan.


Et il prit le bras du comte de La Fère pour descendre l’escalier.


Ils arrivèrent ainsi au palier.


Grimaud, qu’ils avaient rencontré dans l’antichambre, regardait cette sortie d’un air inquiet. Il connaissait trop la vie pour ne pas se douter qu’il y eût quelque chose de caché là-dessous.


– Ah ! c’est toi, mon bon Grimaud ? dit Athos. Nous allons…


– Faire un tour dans mon carrosse, interrompit d’Artagnan avec un mouvement amical de la tête.