Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 23


– Dans la cour ?


– Oui ; vite, dépêchez-vous.


– Eh bien ! un carrosse.


– Bien !


– Quelque pauvre prisonnier comme moi qu’on amène.


– Ce serait trop drôle !


– Je ne vous comprends pas.


– Dépêchez-vous de regarder encore pour voir celui qui va sortir de ce carrosse.


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Justement un second factionnaire venait d’arrêter d’Artagnan.

Les formalités s’accomplissaient. Athos pouvait voir à cent pas l’homme que son ami lui avait signalé.


Cet homme descendit, en effet, de carrosse à la porte même du Gouvernement.


– Eh bien ! demanda d’Artagnan, vous le voyez ?


– Oui ; c’est un homme en habit gris.


– Qu’en dites-vous ?


– Je ne sais trop ; c’est, comme je vous le dis, un homme en habit gris qui descend de carrosse : voilà tout.


– Athos, je gagerais que c’est lui.


– Qui lui ?


– Aramis.


– Aramis arrêté ? Impossible !


– Je ne vous dis pas qu’il est arrêté, puisque nous le voyons seul dans son carrosse.


– Alors, que fait-il ici ?


– Oh ! il connaît Baisemeaux, le gouverneur, répliqua le mousquetaire d’un ton sournois. Ma foi ! nous arrivons à temps !


– Pour quoi faire ?


– Pour voir.

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– Je regrette fort cette rencontre ; Aramis, en me voyant, va prendre de l’ennui, d’abord de me voir, ensuite d’être vu.


– Bien raisonné.


– Malheureusement, il n’y a pas de remède quand on rencontre quelqu’un dans la Bastille ; voulût-on reculer pour l’éviter, c’est impossible.


– Je vous dis, Athos, que j’ai mon idée ; il s’agit d’épargner à Aramis l’ennui dont vous parliez.


– Comment faire ?


– Comme je vous dirai, ou, pour mieux m’expliquer, laissez-moi conter la chose à ma façon ; je ne vous recommanderai pas de mentir, cela vous serait impossible.


– Eh bien ! alors ?


– Eh bien ! je mentirai pour deux ; c’est si facile avec la nature et l’habitude du Gascon !


Athos sourit. Le carrosse s’arrêta où s’était arrêté celui que nous venons de signaler, sur le seuil du Gouvernement même.


– C’est entendu ? fit d’Artagnan bas à son ami.


Athos consentit par un geste. Ils montèrent l’escalier. Si l’on s’étonne de la facilité avec laquelle ils étaient entrés dans la Bastille, on se souviendra qu’en entrant, c’est-à-dire au plus difficile, d’Artagnan avait annoncé qu’il amenait un prisonnier d’État.


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À la troisième porte, au contraire, c’est-à-dire une fois bien entré, il dit seulement au factionnaire :


– Chez M. de Baisemeaux.


Et tous deux passèrent. Ils furent bientôt dans la salle à manger du gouverneur, où le premier visage qui frappa les yeux de d’Artagnan fut celui d’Aramis, qui était assis côte à côte avec Baisemeaux, et attendait l’arrivée d’un bon repas, dont l’odeur fumait par tout l’appartement.