Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 5


Le roi se tut.


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– Aujourd’hui, M. de Bragelonne est tellement malheureux, qu’il ne peut différer plus longtemps de demander une solution à Votre Majesté.


Le roi pâlit. Athos le regarda fixement.


– Et que… demande-t-il… M. de Bragelonne ? dit le roi avec hésitation.


– Absolument ce que je venais demander au roi dans la dernière entrevue : le consentement de Votre Majesté à son mariage.


Le roi se tut.


– Les questions relatives aux obstacles sont aplanies pour nous, continua Athos. Mlle de La Vallière, sans fortune, sans naissance et sans beauté, n’en est pas moins le seul beau parti du monde pour M. de Bragelonne, puisqu’il aime cette jeune fille.


Le roi serra ses mains l’une contre l’autre.


– Le roi hésite ? demanda le comte sans rien perdre de sa fermeté ni de sa politesse.


– Je n’hésite pas… je refuse, répliqua le roi.


Athos se recueillit un moment.


– J’ai eu l’honneur, dit-il d’une voix douce, de faire observer au roi que nul obstacle n’arrêtait les affections de M. de Bragelonne, et que sa détermination semblait invariable.


– Il y a ma volonté ; c’est un obstacle, je crois ?


– C’est le plus sérieux de tous, riposta Athos.

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– Ah !


– Maintenant, qu’il nous soit permis de demander humblement à Votre Majesté la raison de ce refus.


– La raison ?… Une question ? s’écria le roi.


– Une demande, Sire.


Le roi, s’appuyant sur la table avec les deux poings :


– Vous avez perdu l’usage de la Cour, monsieur de La Fère, dit-il d’une voix concentrée. À la Cour, on ne questionne pas le roi.


– C’est vrai, Sire ; mais, si l’on ne questionne pas, on suppose.


– On suppose ! que veut dire cela ?


– Presque toujours la supposition du sujet implique la franchise du roi…


– Monsieur !


– Et le manque de confiance du sujet, poursuivit intrépidement Athos.


– Je crois que vous vous méprenez, dit le monarque entraîné malgré lui à la colère.


– Sire, je suis forcé de chercher ailleurs ce que je croyais trouver en Votre Majesté. Au lieu d’avoir une réponse de vous, je suis forcé de m’en faire une à moi-même.


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– Monsieur le comte, dit-il, je vous ai donné tout le temps que j’avais de libre.


– Sire, répondit le comte, je n’ai pas eu le temps de dire au roi ce que j’étais venu lui dire, et je vois si rarement le roi, que je dois saisir l’occasion.


– Vous en étiez à des suppositions ; vous allez passer aux offenses.


– Oh ! Sire, offenser le roi, moi ? Jamais ! J’ai toute ma vie soutenu que les rois sont au-dessus des autres hommes, non seulement par le rang et la puissance mais par la noblesse du cœur et la valeur de l’esprit. Je ne me ferai jamais croire que mon roi, celui qui m’a dit une parole, cachait avec cette parole une arrièrepensée.