Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 69


– Eh bien ! alors, qu’y a-t-il ?


– Il y a que j’ai reçu une invitation pour la fête de Vaux, fit Porthos d’un air lugubre.


– Eh bien ! plaignez-vous un peu ! le roi a causé dans les ménages de la Cour plus de cent brouilles mortelles en refusant des invitations. Ah ! vraiment, cher ami, vous êtes du voyage de Vaux ?

Tiens, tiens, tiens !


– Mon Dieu, oui !


– Vous allez avoir un coup d’œil magnifique, mon ami.


– Hélas ! je m’en doute bien.


– Tout ce qu’il y a de grand en France va être réuni.


– Ah ! fit Porthos en s’arrachant de désespoir une pincée de cheveux.


– Eh ! là, bon Dieu ! fit d’Artagnan, êtes-vous malade, mon ami ?


– Je me porte comme le Pont-Neuf, ventre Mahon ! Ce n’est pas cela.


– Mais qu’est-ce donc, alors ?


– C’est que je n’ai pas d’habits.


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D’Artagnan demeura pétrifié.


– Pas d’habits, Porthos ! pas d’habits ! s’écria-t-il quand j’en vois là plus de cinquante sur le plancher !


– Cinquante, oui, et pas un qui m’aille !


– Comment, pas un qui vous aille ? Mais on ne vous prend donc pas mesure quand on vous habille ?


– Si fait, répondit Mouston, mais malheureusement j’ai engraissé.


– Comment ! vous avez engraissé ?


– De sorte que je suis devenu plus gros, mais beaucoup plus gros que M. le baron. Croiriez-vous cela, monsieur ?


– Parbleu ! il me semble que cela se voit !


– Entends-tu, imbécile ! dit Porthos, cela se voit.


– Mais enfin, mon cher Porthos, reprit d’Artagnan avec une légère impatience, je ne comprends pas pourquoi vos habits ne vous vont point parce que Mouston a engraissé.


– Je vais vous expliquer cela, mon ami, dit Porthos. Vous vous rappelez m’avoir raconté l’histoire d’un général romain, Antoine, qui avait toujours sept sangliers à la broche, et cuits à des points différents, afin de pouvoir demander son dîner à quelque heure du jour qu’il lui plût de le faire. Eh bien ! je résolus, comme, d’un moment à l’autre, je pouvais être appelé à la Cour et y rester une semaine, je résolus d’avoir toujours sept habits prêts pour cette occasion.


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– Puissamment raisonné, Porthos. Seulement, il faut avoir votre fortune pour se passer ces fantaisies-là. Sans compter le temps que l’on perd à donner des mesures. Les modes changent si souvent.


– Voilà justement, dit Porthos, où je me flattais d’avoir trouvé quelque chose de fort ingénieux.


– Voyons, dites-moi cela. Pardieu ! je ne doute pas de votre génie.


– Vous vous rappelez que Mouston a été maigre ?


– Oui, du temps qu’il s’appelait Mousqueton.