Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 7


Le roi se promenait à grands pas, la main sur la poitrine, la tête roidie, l’œil flamboyant.


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– Monsieur, s’écria-t-il tout à coup, si j’étais pour vous le roi, vous seriez déjà puni ; mais je ne suis qu’un homme, et j’ai le droit d’aimer sur la terre ceux qui m’aiment, bonheur si rare !


– Vous n’avez pas plus ce droit comme homme que comme roi ; ou, si vous vouliez le prendre loyalement, il fallait prévenir M. de Bragelonne au lieu de l’exiler.


– Je crois que je discute, en vérité ! interrompit Louis XIV avec cette majesté que lui seul savait trouver à un point si remarquable dans le regard et dans la voix.


– J’espérais que vous me répondriez, dit le comte.


– Vous saurez tantôt ma réponse, monsieur.


– Vous savez ma pensée, répliqua M. de La Fère.


– Vous avez oublié que vous parliez au roi, monsieur ; c’est un crime !


– Vous avez oublié que vous brisiez la vie de deux hommes ; c’est un péché mortel, Sire !


– Sortez, maintenant !


– Pas avant de vous avoir dit : Fils de Louis XIII, vous commencez mal votre règne, car vous le commencez par le rapt et la déloyauté ! Ma race et moi, nous sommes dégagés envers vous de toute cette affection et de tout ce respect que j’avais fait jurer à mon fils dans les caveaux de Saint-Denis, en présence des restes de vos nobles aïeux. Vous êtes devenu notre ennemi, Sire, et nous n’avons plus affaire désormais qu’à Dieu, notre seul maître. Prenez-y garde !


– Vous menacez ?


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– Oh ! non, dit tristement Athos, et je n’ai pas plus de bravade que de peur dans l’âme. Dieu, dont je vous parle, Sire, m’entend parler ; il sait que, pour l’intégrité, pour l’honneur de votre couronne, je verserais encore à présent tout ce que m’ont laissé de sang vingt années de guerre civile et étrangère. Je puis donc vous assurer que je ne menace pas le roi plus que je ne menace l’homme ; mais je vous dis, à vous : Vous perdez deux serviteurs pour avoir tué la foi dans le cœur du père et l’amour dans le cœur du fils. L’un ne croit plus à la parole royale, l’autre ne croit plus à la loyauté des hommes, ni à la pureté des femmes. L’un est mort au respect et l’autre à l’obéissance. Adieu !


Cela dit, Athos brisa son épée sur son genou, en déposa lentement les deux morceaux sur le parquet, et, saluant le roi, qui étouffait de rage et de honte, il sortit du cabinet.


Louis, abîmé sur sa table, passa quelques minutes à se remettre, et, se relevant soudain, il sonna violemment.


– Qu’on appelle M. d’Artagnan ! dit-il aux huissiers épouvantés.


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Chapitre CXCVIII – Suite d'orage